Concepteur, créateur et entrepreneur, reflet du statut de l'artiste contemporain qui se doit de multiplier les rôles, Jean Lain explore à travers une multitude d'objets dérivés, les divers protocoles de diffusion et de commercialisation de la création.
Le stand y apparaît comme un objet d'art en soi, modulable et itinérant. Epousant tour à tour l'image de l'étal de fête foraine coloré, orné de peluches et de ballons, le café ambulant, où tous les objets sont marqués à l'effigie du créateur et la camionnette commerciale, une oeuvre mobile aux possibilités infinies. Jean Lain s'approprie différents contextes commerciaux pour les figer en sculptures inertes ou les utiliser à travers des prestations qui s'apparentent plus à des performances qu'à de simples parodies du business. Une matérialité visuelle du monde qui déploie ses logos, ses signes et ses décors propres à l'esthétique marchande de masse, en quête d'impact sensible.
Mais Jean Lain n'existe pas simplement en tant qu'ombre envahissante des symboles de la société de consommation, dans un style post-pop. Ses différentes pièces s'apparentent plus à des vanités contemporaines, des objets-sculptures aux dimensions monumentales, des jouets géants inanimés qu'on aurait arrachés à l'oubli, une temporalité intérieure, nostalgique. La fragilité apparente des sculptures évoque le caractère éphémère de toute chose.
Ainsi R.I.P (2011), un ballon en céramique, se regarde comme un vestige de l'enfance, fossilisé dans le temps, tandis que Jacky's touch, une auto-tamponneuse en bois, semble attendre un nouveau souffle au sein de l'espace d'exposition. L'artiste est un concept générant d'autres concepts, interrogeant notre relation à la modernité, au souvenir et au symbole.
Dans son exposition intitulée "Je reviens dans 10 minutes", Jean Lain signe une oeuvre in-situ, où l'espace de la galerie devient matériau d'exposition. Une partie triangulaire du parquet, en forme de fanion, est découpée pour être exposée à la verticale contre le mur du lieu. Le sol devient sculpture, le creux horizontal se remplit de morceaux de papier scintillants, de la couverture de survie dentelée. Les formes dialoguent dans une lumière dense et semblent patienter dans un fragile équilibre. La contextualisation de cette pièce est accentuée par son titre, référence directe à la pancarte du galeriste "Je reviens dans 10 minutes". Un clin d'oeil qui donne tout son sens à l'image.
Des typographies pailletées, des lumières colorées, des néons des ballons et des pâtisseries, un "bling bling" assumé, tout l'univers de Jean Lain se déploie comme une fête inachevée et fantomatique, la vitrine d'un monde en suspens où la main de l'artiste s'efface au profit de l'image.

Mathilde Jouen